LES FRANCS-MACONS

La Révolution dite " française " et la franc-maçonnerie
En France comme dans les autres pays du Continent, les Loges devinrent rapidement des centres d'intrigues politiques. Le Grand Orient, fondé en 1772 avec le duc de Chartres le futur Philippe Egalité comme Grand Maître (enfant adultérin, Philippe duc de Chartres était fils d'un laquais et ne fut pas reconnu par son grand-père, d'où son choix du nom de Philippe-Egalité ; cf. Mgr Delassus : « La Conjuration antichrétienne. ») fut indéniablement une organisation subversive, et par son union avec le Grand Chapitre en 1786, il acquit un caractère encore plus dangereux.
La Révolution était prévue devoir s'accomplir surtout au bénéfice de la classe supérieure » (la haute bourgeoisie), « avec le peuple comme instrument » (Papus, op. cit. p. 139.) Les frères du Rite Templier, c'est-à-dire du Grand Chapitre (les hauts grades de la Maçonnerie, le Martinisme, la Stricte obédience templière et l'Illuminisme) furent donc « les vrais fomenteurs de révolutions, et les autres n'étaient que leurs dociles agents ».
D'après Papus et à l'opinion de maçons contemporains de la Révolution de 1789, celle-ci fut le fruit de cette combinaison ; mais en fait, toute la Maçonnerie depuis ses débuts. Voltaire et les encyclopédistes avaient inculqué cet esprit en France et en Prusse. Lors d'un voyage en Angleterre, Voltaire vers 1730 s'était lié aux Rose-Croix anglais et avait ensuite été le chef de file de la subversion opérée par leur Maçonnerie contre le trône du Roi Très-Chrétien et la religion catholique, le chef de la cabale intellectuelle et politique des maçons appelés Encyclopédistes.
De fait, l'influence de la Franc-maçonnerie sur la Révolution Française ne peut être niée par aucun chercheur honnête des causes de ce grand soulèvement, et comme nous le verrons plus tard les francs-maçons français ont eux-mêmes fièrement réclamé la Révolution comme leur œuvre. C'est ainsi que George Sand, maçonne elle-même (car dès l'origine le Grand-Orient admit les femmes) écrivit longtemps après : « Un demi-siècle avant ces jours marqués par le destin... la Révolution française fermentait déjà dans l'ombre et couvait sous terre. Elle mûrissait dans les esprits de ses adeptes jusqu'au fanatisme, comme un rêve de révolution universelle... (la Comtesse de Rudolstadt, chap. II, p. 1-16)
L'historien socialiste Louis Blanc, franc-maçon également, a jeté aussi beaucoup de lumière sur la question de ces forces occultes.
Nous savons en outre que George Sand avait raison d'attribuer aux Sociétés secrètes l'origine du slogan révolutionnaire « Liberté, Egalité, Fraternité. » Bien longtemps avant qu'éclate la Révolution, la formule « Liberté et Égalité » avait été usuelle dans les loges du Grand-Orient : une formule qui semble tout à fait pacifique, mais qui contient cependant tout un monde de discorde. Car voyez la contradiction : il est impossible d'avoir une complète liberté et l'égalité en même temps, l'une exclut l'autre. Il est possible d'avoir un système de complète liberté dans lequel chaque homme est libre de se comporter comme il lui plaît, de faire ce qu'il veut, même de voler ou tuer, de vivre par conséquent selon la loi de la jungle dont la règle celle du plus fort, mais il n'y a là aucune égalité.
Ou bien l'on peut avoir un système d'égalité absolue, réduire tout le monde au même bas niveau, broyer toute ambition chez l'homme de s'élever au dessus de ses compagnons, mais il n'y a plus alors de liberté. Aussi la Franc-maçonnerie du Grand-Orient en accouplant deux termes à jamais incompatibles entre eux jeta dans l'arène une pomme de discorde sur laquelle le monde n'a plus jamais cessé de se quereller jusqu'à ce jour, et qui a d'ailleurs divisé les forces révolutionnaires en deux camps opposés (c'est la marque du génie diabolique de ceux qui instituèrent la Maçonnerie que d'avoir trouvé un tel slogan. Même si Hegel ne devait venir que cent ans plus tard (…la dialectique), le pilpoul préexistait dans la Kabbale juive, dont la Maçonnerie est le véhicule parmi les goïms).
Quant au terme « Fraternité », qui complète la formule maçonnique, on découvre qu'il fut ajouté par une autre société secrète, celle des Martinistes fondée en 1754 par un portugais, Martinez Paschallis (ou Pasqually), qui conçut un système à base de gnosticisme, de Christianisme judaïsé et de philosophies grecque et orientales.
L'Ordre en question se scinda ensuite en deux branches, l'une continuée par Saint-Martin, disciple de Paschalis mais aussi de Jacob Boehme et fervent chrétien, et l'autre par un organisme plus ou moins révolutionnaire d'où sortit la Loge des Philalèthes fondée à Paris (Philalèthes  amis du vrai : aimer : dire vrai) ; ce qui laisse rêveur.
Mesdames et Messieurs, quel a été, en 1789, en 1792 et en 1793, le rôle exact de la franc-maçonnerie dans la Révolution française ? Les documents authentiques, émanant de la maçonnerie elle-même, ne peuvent pas, on le comprend, ne pas être rares sur ce point. Une société secrète ne serait pas une société secrète, si elle ne prenait pas le plus grand soin de cacher tout ce qui peut renseigner sur elle, et les témoignages positifs, là où par principe on les supprime, ne peuvent nécessairement pas abonder. Néanmoins, si le véritable témoignage nous fait souvent ainsi défaut, il n'en est pas de même de certains faits, singulièrement saisissants et qui en arrivent, rapprochés les uns des autres, à produire une lumière presque aussi probante que la lumière même des documents. Or ces faits-là sont innombrables, et la démonstration qui en résulte, c'est qu'il n'est peut-être pas une seule des grandes journées de la Révolution qui n'ait pas été, plus ou moins longtemps à l'avance, machinée et répétée dans les loges, comme on répète et comme on machine une pièce dans un théâtre...
Suivez donc avec un peu d'attention les faits qui vont vous être exposés, et vous verrez, comme de vos yeux, tout un grand pays violemment transformé, par la plus évidente des conspirations, en une immense et véritable loge. Vous le verrez jeté par force dans toute une succession d'épreuves maçonniques graduées, dont les premières dissimulaient soigneusement le secret final, mais dont la dernière, dès le début, avait toujours dû être le meurtre du roi, pour aboutir au but suprême et caché, c’est-à-dire à la destruction de la nationalité elle-même !
De la centralisation monarchique à la révolution bourgeoise
beaucoup de monde le dénonce actuellement avec l'émergence de la thèse conspirationniste, et depuis que je m'intéresse à cette thèse, j'ai énormément lu et étudié mais aussi j'ai enquêté et après ce dernier livre je soutiens une chose : certes la franc maçonnerie est un rouage majeur de la révolution de 1789 et de la "philosophie des lumières" qui nous a emmené sur les pentes de la négation de la nation... mais c'est surtout elle qui c'est heurté le plus à l'esprit de justice social de 1793 et qui a mené la "conspiration" pour son "œuvre" capital (c'est le cas de le dire) le capitalisme...et la négation de l'être face à un nouveau scientisme, et à un progrès dévoyé. Moi je renvoi les partisans de l'aristocratie et ceux de la démocratie dos à dos, ils se sont bien retrouvé ensemble dans des structures "bonapartistes" ou républicaine à la Thiers pour enterrer le véritable espoir du peuple et de la nation, et défendre le "progrès" annihilateur de peuples et de travailleurs qui ne demandaient et ne demande toujours qu'à vivre heureux dans un pays, une tradition et une soif de justice qui sont "leur bien", toutes les élites aristocratiques ou "démocratiques" et même politiques ont échoué car elles ont renié leur devoir premier, "celui de servir" ceux qui ont besoin d'eux pour se défendre et se sont livré aux mirages de la vénalité qui risque maintenant de déclencher une réaction de la nature qui va s'ébrouer pour se débarrasser de ces poux ... Ils pourront toujours pleurer sur la dureté des temps, il y a un compteur qui constate qu'il reste peu de temps pour renverser la vapeur et s'attaquer au vrai problème, la vénalité "satanique" (au sens d'ordre "égoïste") des élites, des économies et des institutions qui oublient les peuples, simplement les peuples... qui font vivre leurs "utopies" pour leur bien-être égoïste. Oui il y a eu un complot comme il y en a un effectivement qui permet à une grande partie de l'élite du monde entier de se livrer à une débauche comme les empereurs romains l'ont fait avant eux aux dépends de leurs peuples, et comme eux, ils tomberont, mais à quel prix ? ... Reste la solution, et cela on ne le pourra qu'en retournant aux sources des maux, ... Etudier l'histoire est indispensable, et tout travail en ce sens est respectable... ensuite à chacun de suivre son cœur, l'ancien ordre était-il si beau ? ni avait il rien d'autre à espérer que le progrès aux mains de fous ? Les rois n'ont ils pas été le refuge des opprimés tel les petits du peuple arverne autours de Vercingétorix, contre une bourgeoisie qui déjà montrait le bout de son nez, et au fait, habitant du bourg (bourgeois) contre producteurs des campagnes, n'était-ce pas déjà l'origine d'un mal ? celui de la répartition des richesses, et qu'est ce que la richesse ? l'accumulation de biens ? le prix que l'on donne à ceux-ci ? En Russie, un obscure penseur à écrit un pamphlet nommé "que faire" dont c'est saisi un certain Lénine, pour le remettre au goût du jour du "marxisme scientifique" et c'est peut-être Lénine qui a fait échoué sa théorie "communiste", mais était-il blâmable ? comme Robespierre, ils revenaient à l'idée de peuple et de bonheur, maintenant l'importance de la nature est évidente, revenons aux sources... et refaisons le monde aussi mais pour le rendre à l'humain et à son créateur naturel véritable, celui qui se cache dans son cœur mais aussi dans sa tête
 Dans cette révolution française, tout, jusqu’à ses forfaits les plus épouvantables, tout a été prévu, médité, combiné, résolu, statué ; tout a été l’effet de la plus profonde scélératesse, puisque tout a été amené par des hommes qui avoient seuls le fil des conspirations longtemps ourdies dans les sociétés secrètes, & qui ont su choisir & hâter les moments propices aux complots ». L’affirmation du jésuite Barruel, le « père » de la thèse transformant la Révolution française en complot maçonnique, résume brièvement une théorie qui constitue à la fois l’un des pans les plus importants de l’historiographie blanche, l’un des fondements les plus durables sur lequel s’appuie l’antimaçonnisme et, nolens volens, l’un des aiguillons de la relation entretenue entre l’histoire révolutionnaire et « l’objet maçonnique ». Plus que les supports de la thèse elle-même, c’est la durée de celle-ci qui surprend. Passé en partie au rang d’objet historiographique après la Seconde Guerre mondiale, un barruélisme presque intact resurgit même ici ou là… et pas toujours du côté où l’on l’attend. En septembre 1988, on peut ainsi lire dans Humanisme, la revue d’extériorisation du Grand Orient de France, que « l’abbé Grégoire, avec Condorcet, Sieyès, Pétion et Marat, participa aux travaux de la loge Le Comité secret des Amis Réunis ». Le fait qu’une précision concernant une structure parfaitement fantasmatique soit apportée par une note de la rédaction rend la chose assez piquante et témoigne de la difficulté à « faire le deuil ».
on comprend pourtant que les célèbres Mémoires pour servir à l’histoire du jacobinisme aient pu rencontrer du succès dans la France de la Restauration. Les nostalgiques de l’Ancien Régime, réfléchissant aux causes du déclenchement de la Révolution, inclinaient naturellement à préférer au providentialisme de Joseph de Maistre la responsabilité moins anonyme de francs-maçons habitués à susciter une curiosité inquiète depuis plus d’un demi-siècle. On rappellera, dans cette perspective, la publication, dès 1742, alors même que la sociabilité maçonnique n’en était qu’à ses premiers succès, de l’ouvrage de l’abbé Pérau, Le secret des francs-maçons. Le latitudinarisme originel de la franc-maçonnerie porté par les Constitutions d’Anderson de 1723 (l’article 1 des Obligations d’un Franc-maçon se contente d’exclure « l’athée stupide et le libertin irréligieux ») et la pratique d’une « liberté en secret » émancipée du pouvoir royal, dont les loges étaient porteuses transformaient de fait les frères en bouc-émissaires idéaux.
  On rappellera que Joseph de Maistre, à la différence de nombreux acteurs de la période révolutionn (...)
C’est en fait la survie de l’idée du complot ou de l’influence maçonnique sur la Révolution qui semble a priori moins explicable. L’absence évidente de preuves, les amalgames et les faits montés de toutes pièces utilisés par Barruel furent d’ailleurs pointés par ses contemporains. Joseph de Maistre 3, qui était bien informé sur une réalité maçonnique plus complexe que ne le suggérait le jésuite, fit ainsi, dans ses Soirées de Saint-Pétersbourg, la démonstration brillante que celle-ci n’était pas exclusivement pétrie du rationalisme des Lumières censé porter la Révolution. Vaine entreprise pourtant que fut celle du théoricien de la contre-révolution.
  A ce sujet, cf. Jean-Jacques Goblot, La Jeune France Libérale. Le Globe et son groupe littéraire ( (...)
L’idée originelle du complot allait, il est vrai, rapidement bénéficier du contexte de l’installation de la République dans lequel l’adhésion commune des cléricaux et des républicains unis autour de la croyance en celui-ci allait s’imposer. On rappellera que les raisons majeures de cette communion tiennent à la conjonction de deux facteurs agissant en osmose. Le premier est lié, de façon assez paradoxale, aux incidences provoquées dans la perception de la maçonnerie par les modifications qu’elle rencontre pendant la Révolution française. Laïcisée, subvertie par l’entrée du politique depuis le Directoire, pendant lequel ce lieu de sociabilité servit de support pour pérenniser les nouvelles pratiques politiques inventées au sein d’une « clubomanie » révolutionnaire brisée dans son élan en raison de la fermeture des sociétés populaires en l’an III, resserrée sociologiquement dans la première moitié du xixe siècle autour de groupes qui soutiennent la France Libérale 4puis la République (commerçants, hommes de loi, médecins…), c’est avec un regard faussé par « leur propre représentation de la maçonnerie » que les hommes du xixe s. ont jugé la franc-maçonnerie du xviiie s. Le second facteur tient à la participation active et bien réelle de la maçonnerie aux combats pour la fondation de la IIIe République. Les anti-maçons utilisent en effet le complot pour apporter la preuve d’une « subversion continue », tandis que les francs-maçons et les « frères sans tablier » sont flattés par le rôle honorifique à peu de frais accordé à leurs ancêtres.
Autour de trois dates, le barruélisme gagne la partie. 1847-1848 : Louis Blanc, dans son Histoire de la Révolution française, accepte en totalité le mythe et fonde celui des origines maçonniques de la devise Liberté, Égalité, Fraternité. Il assure de manière décisive le « passage du complot du côté des Républicains ». 1864-1865 : au moment où les maçons du Grand Orient entrent ouvertement dans le combat pour la République 5et où l’Église, par le biais du Syllabus, refuse la Modernité, le Grand Orient de France, par la plume de son historien officiel Achille Jouaust (il est alors membre du Conseil de l’Ordre), officialise la thèse 6. Puis celle-ci devient la vulgate en 1867 lorsque Monseigneur de Ségur 7publie Les Francs-Maçons, un petit opuscule reprenant intégralement les mécanismes de la construction de Barruel, qui est vendu à 120 000 exemplaires en cinq ans ! Les « deux partis » pourront ainsi communier autour du complot lors du Centenaire de la Révolution, Léo Taxil diffuser aisément l’incroyable fable du Diable présent en loge 8entre 1892 et 1897, puis l’antimaçonnisme de Vichy, considérant la maçonnerie comme un élément constitutif de l’Anti-France, développer ses thèses sur le socle encore vivace du barruélisme authentique 9.
  Ayant entamé en 1952 une étude des loges parisiennes au xviiie siècle, Alain Le Bihan, compulsant (...)
  André Bouton, Les francs-maçons manceaux et la Révolution, Le Mans, Monnayer, 1958 ; suivi de « Di (...)
Celui-ci aurait dû cependant être battu en brèche par les résultats issus des approches de terrain que le classement opéré par Alain Le Bihan, au milieu des années 1960, allait permettre de multiplier 10. D’André Bouton 11à la constellation de monographies locales portant sur un orient ou sur une loge qui apportent régulièrement leur part de lumière sur les réalités de la période, les résultats de quarante années de recherche ont clairement démontré « l’éclatement des comportements politiques » des frères pendant la période révolutionnaire et mis en évidence une évolution institutionnelle chaotique marquée par un lent déclin structurel à partir de 1791, puis une véritable déliquescence entre la Terreur (la difficile survie de la maçonnerie parisienne au sein du Centre des Amis, l’unique atelier qui parvint à fonctionner en réunissant les débris des loges progressivement détruites, en constitue le signe fort) et le coup d’État du 18 Fructidor auraient dû alors réduire le complot des francs-maçons au rang de mythe historiographique.
C’était sans compter les effets provoqués par la résurgence et l’approfondissement des pistes ouvertes par Augustin Cochin (qui eut plus de chance que les premières approches positivistes qui, bien que contemporaines des siennes, furent rapidement oubliées, bien qu’elles eussent pu dès les années d’avant-guerre décrédibiliser le barruélisme 12) par François Furet et ses émules. Cochin, enquêtant sur la préparation de la Révolution, en Bourgogne puis en Bretagne, à partir de choix méthodologiques novateurs inspirés par la sociologie naissante de Durkheim appliqués à l’histoire des réseaux, allait alors renouveler avec succès la thèse des influences maçonniques sur la Révolution en substituant à l’idée d’une action volontaire des hommes l’idée de la subversion liée à la structure-loge. Presque ignorées en France jusqu’aux années 1970, les pistes cochiniennes, à côté de celles suggérées par Tocqueville, allaient devenir les piliers des positions défendues par François Furet .Partant de sa réflexion sur « l’utilité de la Révolution » et du postulat d’une possible fusion des élites nobiliaire et bourgeoise avant 89, la démocratisation de l’institution maçonnique depuis la naissance du Grand Orient de France entre 1771 et 1774 et l’ouverture des ateliers maçonniques aux représentants des trois ordres autour du principe d’égalité plaçaient en effet cette « nouvelle vision » de la maçonnerie, bientôt approfondie par Ran Halévi et Keith Baker , en position proprement stratégique.
Dans ce contexte, l’atelier maçonnique devenait la « machine à fabriquer de l’opinion » sapant les fondements de l’absolutisme, voire, dans la version proposée par Ran Halévi, l’embryon de la sociabilité jacobine en raison des pratiques épuratoires qui seraient décelables dans les scissions et les crises qui jalonnent la vie des loges à la fin du xviiie siècle. In fine, sous de nouveaux oripeaux, était ainsi amplifiée l’idée que la franc-maçonnerie devait jouer un rôle moteur dans la mise en place du processus révolutionnaire.
L’analyse critique des supports de celle-ci révèle pourtant que barruélisme et cochinisme, bien qu’ils reposent sur une réelle qualité d’information pour le premier et sur des axes méthodologiques et conceptuels novateurs pour le second, ont eu surtout pour fonction de façonner une vision idéalisée et partielle de la maçonnerie dont les effets sont d’avoir privé la communauté des historiens, en posant la question de l’interaction de manière unilatérale, des apports scientifiques liés à l’étude d’un prisme par lequel les formes de la transformation révolutionnaire peuvent pourtant être analysées en profondeur en raison de la richesse des sources. De ce constat découle la mise au jour d’un véritable chantier qu’il reste largement à investir.
De Barruel à Cochin : réalités et mythe
  Johann August Starck (Schwerin, 1741, Darmstadt, 1816) est une figure majeure de la branche templi (...)
Si l’on en exclut les attendus les plus polémiques, nombre d’éléments de la thèse de Barruel doivent être rétrospectivement considérés avec sérieux. « L’acte d’accusation » soulève en effet de véritables interrogations au sujet du rôle potentiel exercé par la sociabilité maçonnique dans le déclenchement de la Révolution. À défaut d’une initiation revendiquée mais qui ne fut jamais prouvée, on reconnaît d’ailleurs à Barruel une réelle qualité d’information. La correspondance qu’il entretint avec Starck 16et le fait que le jésuite ait eu connaissance des documents publiés par la Cour de Bavière dénonçant l’action de la Secte sont ainsi des éléments importants en raison du caractère stratégique joué par le plaidoyer contre les Illuminés, accusés, en raison de leur pratique d’un recrutement initial parmi les maçons porteurs des trois grades symboliques de la maçonnerie (Apprenti, Compagnon, Maître) dont le cursus constitue le cheminement du maçon lambda, de noyauter l’ensemble de l’Ordre. C’est en effet en partant de cette idée que Barruel construit sa thèse dans laquelle deux idées majeures méritent d’être retenues. La première est le pouvoir prêté à la maçonnerie de « fédérer structurellement les ennemis politiques et religieux du royaume ». Au plan politique, le jésuite dénonce la capacité de la maçonnerie, au moment où les Lumières radicales se développent, à capter, par le biais des Illuminés de Bavière dont le fonctionnement constituerait l’archétype d’une maçonnerie des hauts degrés dont la seule raison d’être serait, non pas de proposer aux initiés la poursuite du cheminement initiatique, mais un simple moyen de manipuler la base, ceux qu’il appelle, dans la troisième partie des Mémoires, les précurseurs des Jacobins et des Babouvistes. Pour cela, il met notamment en exergue le rôle que tiendraient les Amis Réunis, un atelier prestigieux souché à cette académie maçonnique de savoir et d’occultisme que sont les Philalèthes et que met directement en cause Barruel. Son évolution serait exemplaire, selon le jésuite, de la pénétration par la maçonnerie de l’appareil d’État au profit des ennemis de la Monarchie. Dans une perspective religieuse, Barruel, s’appuyant sur l’évolution de la célèbre loge des Neuf Sœurs et accordant notamment la part belle à la captation in extremis du Frère Voltaire par celle-ci, voit dans l’évolution de la sensibilité religieuse des frères la preuve de la capacité des loges à réunir le parti de l’impiété… puis à opérer la liaison entre ce dernier et les « politiques ». Simples élucubrations. Voire.
Les acquis récents de la recherche ont en effet montré la sensibilité croissante de la franc-maçonnerie envers le radicalisme des Lumières. On citera simplement pour preuve, à défaut d’initiation, la conversion intellectuelle de Condorcet qui aurait dû être reçu aux Neuf Sœurs 17à l’occasion de la pompe funèbre de Voltaire. Côté politique, les travaux d’Hermann Schüttler 18ont mis en lumière le succès relatif rencontré par les Illuminés dans leur tentative de subversion. Le voyage de Bode et de Von den Busche, les deux émissaires délégués par les Illuminaten vers Paris (1787), à l’occasion du second Convent des Philalèthes 19, permit ainsi à ces derniers de recruter, via la fondation d’une petite loge des « Philadelphes », quelques maçons français de haut vol intégrés à l’appareil d’État et appartenant aux Amis Réunis. Habile prosélyte, Bode parvint notamment à gagner à sa cause les banquiers Savalette de Langes et Tassin de l’Étang et même à mettre en place les bases d’une version française des Illuminés connus sous le nom de « Philadelphes ».
  En 1796, peu de temps avant la publication des Mémoires… paraissent deux ouvrages (Charles-Louis C (...)
La seconde idée de Barruel consiste, dans le but de crédibiliser l’hypothèse du complot, à prêter aux maçons une main armée. La présence à la tête de l’Ordre du duc d’Orléans, Grand Maître du Grand Orient depuis le 8 mars 1773, incitait, il est vrai, à le croire. Influencé par la thèse alors récente du complot orléaniste 20, Barruel perçoit ainsi la Révolution comme une entreprise issue de ce que Galard de Montjoie appelait « la jonction entre les desseins du duc d’Orléans et les intentions présomptueuses des francs-maçons ». Si l’idée a fait long feu, on sait depuis peu que le futur Égalité ne fut point le roi fainéant longtemps présenté au sein de la maçonnerie, mais qu’il mena une activité politique réelle, bien servi par son secrétaire Choderlos de Laclos, et que celle-ci s’opéra au moment où les loges parisiennes furent justement le plus touchées par le radicalisme politique. Preuve est donc faite que les aspects originels du barruélisme méritent réflexion et, dans cette perspective, les postulats d’Augustin Cochin interviennent comme des éléments consolidant l’acte d’accusation.
Certes l’intention est différente. Il s’agit pour Cochin, alors très attentif aux apports des travaux d’Ostrogorski dans le domaine de la sociologie politique , puis pour ses relecteurs d’apporter la preuve que la loge maçonnique est l’une des formes de sociabilité le plus susceptibles de porter la culture politique surgie du rousseauisme. Sa double capacité à fabriquer, lors des tenues, des vérités socialisées comblant le vide laissé par la perte des principes traditionnels provoquée par la crise de l’État absolutiste et à former un appareil directeur prétendant diriger un peuple mythique différent du peuple réel en serait la preuve prégnante. Or, depuis les pistes de réflexions proposées par Ernst Mannheim et renouvelées par Jurgen Habermas , nombre de travaux portant sur la naissance de l’espace public dans le monde contemporain ont montré de manière convaincante la place importante qu’occupait la sociabilité maçonnique. Fondée sur la privatisation des rapports sociaux, prolongeant par ses pratiques les mutations urbaines entamées aux xvie-xviie siècles, celle-ci s’intègre de fait dans l’ère de la sphère délibérative qui caractérise le siècle de la Philosophie. De ce point de vue, la révolution démocratique des années 1771-1774 qui donne naissance au Grand Orient autour des principes de la représentativité élective et de la rotation des mandats achève bien une évolution qui, sur le plan théorique, pervertit les relations entretenues entre le roi et ses sujets. Si on ajoute à cela la transgression de la barrière des ordres offerte par le regard général porté sur un lieu de sociabilité dans lequel aristocrates et roturiers se côtoient sur un pied d’égalité, l’idée de l’influence maçonnique pourrait être légitimée… si celle-ci ne procédait toutefois d’une représentation idéalisée et partielle de la maçonnerie.
Un mythe construit sur une représentation de la franc-maçonnerie
En effet, si les thèses successives en faveur d’une influence franc-maçonne sur la Révolution posent de vraies questions, les réponses qu’elles donnent ne peuvent emporter l’adhésion, tant il est vrai que ces théories reposent sur une approche partielle de la franc-maçonnerie fondée à la fois au mieux sur l’occultation, au pire sur la négation de la vocation initiatique de cette forme de sociabilité. En outre, elle repose sur l’idée de l’existence d’une identité collective immédiatement conférée par l’affiliation, contraire à l’essence même de la démarche maçonnique. Le caractère individuel et progressif de celle-ci est en effet l’un des traits majeurs du processus de construction de l’identité franc-maçonne, alors que Barruel, Cochin et leurs émules ont de fait été peu attentifs à « l’enveloppe intérieure » qui fonde la maçonnerie, jugeant secondaire ce qui est pourtant au cœur de la construction du processus identitaire. La progressivité, qui impose la mise en place d’un long parcours marqué par le passage des grades comme condition d’accès au statut de maçon à part entière, conduit en effet à considérer avec perplexité une approche prêtant à la maçonnerie d’Ancien Régime, dont l’une des caractéristiques essentielles est le caractère éphémère de nombre de passages en loge, le pouvoir de façonner ipso facto une identité franc-maçonne solide. Elle présente en effet la particularité gênante de placer sur le même plan le maçon assidu ayant suivi le cheminement d’ensemble d’un maçon accompli et celui qui, à l’image de Voltaire, fut une simple étoile filante.
Quant à la question de la dimension individuelle de la démarche initiatique, elle est proprement ignorée, alors qu’elle tend à invalider l’idée de la fabrication d’une idéologie commune que les thèses successives valorisent. La variété des interprétations des vérités offertes à l’initié par l’approche symbolique, la multiplicité des rites qui caractérise la maçonnerie des Lumières et, peut-être plus encore, la pratique d’un langage original qui reste avant tout un métalangage ouvert à toutes les échappées individuelles, cela reste pourtant un facteur clef pour permettre une compréhension globale d’une démarche peu compatible avec les présupposés sur lesquels s’appuie la thèse du complot. De ce point de vue, les schismes et les scissions qui jalonnent la vie des loges à la fin du siècle des Lumières, lorsqu’ils sont remis en perspective par une étude attentive prenant en compte les enjeux de pouvoir et les ambitions sociales qui les sous-tendent, illustrent plus les tensions liées à la variété des interprétations de la maçonnerie par les initiés que la volonté d’anticiper des techniques épuratoires. Au final, l’un des traits les plus remarquables émergeant des conceptions des adeptes de l’influence franc-maçonne sur la Révolution est donc leur volonté récurrente de percevoir la franc-maçonnerie comme un ensemble, quand celle-ci constitue à la fois une forme de sociabilité très souple aux tendances centrifuges et, sociologiquement parlant, un kaléidoscope des composantes de l’élite d’Ancien Régime.
  Reinhart Koselleck, Le Règne de la critique, dont Barruel considère les hauts grades et dont Cochin les ignore est symptomatique de cet état d’esprit. Selon Barruel, les hauts degrés doivent en effet être appréhendés dans une perspective exclusive, celle de l’idéologie porteuse de contestation. Mgr de Ségur ne fera que reprendre l’affaire en remplaçant les Illuminés par les carbonari et en proposant une analyse plus audacieuse de la subversion religieuse portée par la maçonnerie des hauts grades. Pourtant, outre le fait que, sur le plan idéologique, l’irréligiosité de ces derniers peut être aisément contredite par le vécu des frères (les clercs furent nombreux, au xviiie siècle, à les apprécier), la lecture idéologique présente la faiblesse d’occulter la part que l’on doit accorder aux pratiques sociales. L’attraction de la noblesse pour les hauts grades ou la volonté de reproduction des comportements aristocratiques par l’élite du tiers et les anoblis récents montrée par Guy Chaussinand-Nogaret à partir de l’exemple des gens de finance ,suffisent à montrer que le succès de cette maçonnerie pour happy few est dû autant aux motivations sociales qu’au facteur idéologique, lequel a pourtant été jusqu’à présent largement valorisé par des analyses qui pensent la maçonnerie avant tout comme « l’institution sociale la plus forte du monde moral au xviiie siècle ».
Dans le domaine de l’exclusive, Cochin et ses émules ne procéderont pas différemment. Ainsi, l’approche proposée par Ran Halévi de l’idéologie maçonnique à partir des titulatures des loges et des pratiques discursives véhiculent-elle une vision unilatérale d’un ordre jugé porteur d’un projet rationaliste et laïcisant… alors que la correspondance des loges montre de toute évidence, à travers la polysémie des mots, que la liberté d’interprétation des objets proposés à la réflexion et à la vue des maçons construit des identités variées. Des valeurs cardinales, comme l’Égalité ou la notion du contrat, sont ainsi l’objet de traductions radicalement différentes selon les composantes sociologiques, religieuses et culturelles des ateliers . L’étude que nous avons menée à partir de plus de 200 textes maçonniques, rédigés essentiellement par les orateurs des loges lors de l’installation de celles-ci ou par de simples frères à l’occasion de conflits ou de scissions survenus entre les maçons d’un même orient, montrent d’ailleurs qu’il est impossible d’approcher de manière monolithique ce qui se cache derrière le terme d’égalité pour un maçon ! Dans les ateliers huppés, les définitions données de celle-ci la réduisent à la capacité à réunir les plus distingués alors que les membres des ateliers démocratiques la considèrent, de leur côté, de manière très politique comme un moyen d’abattre les barrières sociales existant . L’Égalité peut être ainsi pour les frères aussi bien une notion purement abstraite qu’un concept proche de l’Égalité des droits des Constituants.
Le contrat, souvent évoqué par les loges provinciales ayant souvent maille à partir avec le Grand Orient, est l’objet d’interprétations tout aussi variées. Il peut être aussi bien considéré par des maçons comme un contrat féodal obligeant l’atelier et l’obédience autour de la fidélité et de la protection alors que d’autres voient dans celui-ci un lien dont les fondements sont ceux de la philosophie politique de Rousseau. L’abandon du projet originel de parcours sociologique initialement voulu par Cochin au profit d’une démarche idéaliste a d’ailleurs souvent empêché de percevoir la variété des pratiques répondant à cette souplesse idéologique. De la mise en place de pratiques différenciées selon les orients face aux communautés huguenotes à la capacité à attirer aussi bien les négriers des ports de traite que les philanthropes de la Société des Amis des Noirs, la « dispersion » de la maçonnerie à la fin du xviiie siècle préfigure l’éclatement qui apparaît au grand jour dès le début de la Révolution. On ne saurait d’ailleurs réduire celui-ci à la simple diversité des choix politiques montrée par toutes les monographies régionales, aisément explicable en raison de la large ventilation sociale des initiés. En effet, plus que ce constat, l’implosion, à l’intérieur des ordres, comme celle qui touche une noblesse initiée guère plus encline que l’aristocratie profane à épouser les positions libérales, et les divorces survenus au sein des forces du tiers pourtant unies en apparence par une communauté d’intérêts, constituent une chose importante que confirmeront un peu plus les résultats d’une enquête en cours sur un terrain breton, ô combien emblématique ! invalident totalement l’idée émise par Cochin d’un appareil directeur fabriqué par les loges.
Des influences maçonniques à la recomposition révolutionnaire : un chantier entrouvertFondée sur une représentation de la franc-maçonnerie, la thèse du complot a eu cependant des incidences nombreuses dont la principale est d’avoir entraîné un retard historiographique et méthodologique évident. Il caractérise notre connaissance de l’histoire de la maçonnerie en général, mais plus particulièrement celle de la période révolutionnaire. La conséquence la plus spectaculaire du poids de ces théories successives est sans doute en effet d’avoir empêché, en valorisant l’idée d’une fonction motrice, de concevoir la franc-maçonnerie comme observatoire des mutations culturelles liées au passage de la Révolution. De fait, on se retrouve ainsi aujourd’hui face à une histoire morcelée, peu lisible, qui alimente d’ailleurs la crise identitaire actuelle touchant une « franc-maçonnerie libérale »  soucieuse de continuer à s’impliquer dans la cité tout en préservant une identité initiatique que la société civile considère le plus souvent comme étant incompatible avec l’objectif précédent. Dans ce contexte général, la franc-maçonnerie française est de fait tout particulièrement fragilisée non seulement en raison de l’écartèlement idéologique dont elle est l’objet entre attachement au cosmopolitisme originel à laquelle les valeurs maçonniques universelles renvoient, et un cheminement historique dans lequel son affirmation extérieure doit beaucoup, via le prisme du combat pour la République mené à partir de Second Empire, à la valorisation du patriotisme , mais aussi parce qu’elle se trouve privée d’une vision globale de son histoire, un facteur pourtant indispensable pour pouvoir répondre au défi de la modernité. En effet, si la contextualisation historique du fait maçonnique au temps des Lumières et durant la seconde moitié du xixe siècle est aujourd’hui concevable, il n’en va pas de même pour la longue période révolutionnaire allant de 1789 à la Seconde République. Or, en raison de son pouvoir d’attraction extraordinaire sur les élites, petites ou grandes, et de la formidable perméabilité aux influences extérieures qu’autorisent l’absence de finalité affichée et la liberté proposée aux initiés, on mesure combien, au-delà de la gêne occasionnée pour les maçons soucieux de comprendre la construction de leur identité, il s’agit d’un manque dommageable pour appréhender la recomposition culturelle et sociale dont la société française est l’objet entre le xviiie siècle et les monarchies censitaires.
Dans son étude classique sur la sociabilité du premier xixe siècle, Maurice Agulhonavait pourtant suggéré des pistes insuffisamment prospectées. En considérant, en raison de sa plasticité, la maçonnerie comme l’une des sources de la sociabilité des cercles qui permit le développement de la pratique politique telle que les républicains le concevaient, l’historien proposait alors une vision de la maçonnerie valorisant, aux dépens du complot, la « fonction réceptacle ». Et toute l’histoire de la franc-maçonnerie depuis les années 1780 prouve à l’évidence que le prosélytisme des Illuminés sur lequel insistait Barruel, ou la conversion intellectuelle d’un Condorcet constituaient simplement les signes avant-coureurs du pouvoir transformateur exercé par la Révolution sur cette structure de sociabilité.
On peut pourtant saisir la mesure des mutations révolutionnaires à trois niveaux . Le premier a trait à la vocation première souhaitée par les loges : le geste philanthropique. Celui-ci, qui était laïcisé depuis les années 1780 à Paris mais encore fortement arrimé à l’encadrement chrétien en province (les appartenances communes aux loges et aux confréries en témoignent ), voit en effet sa nature se transformer par le passage de la culture révolutionnaire. Lors de la reconstruction consulaire, ce sont ainsi de nouveaux initiés, massivement aguerris à une conception utilitaire de la philanthropie en raison de leur participation massive à la mise en place des bureaux de charité ou des comités provisoires, qui arrivent dans une maçonnerie largement resserrée autour des mondes du négoce et des talents. Engagés dans la vie profane dans des œuvres résolument novatrices, comme les comités de vaccination ou les caisses d’épargne, ils utilisent alors l’expérience acquise pendant la Révolution pour mettre en place les pratiques qui fonderont l’identité maçonnique à partir de la Monarchie de Juillet. Cette évolution n’est d’ailleurs sans doute pas étrangère à l’acharnement dont les cléricaux feront preuve dans leur dénonciation des maçons, qu’ils perçoivent alors comme des concurrents laïques menaçant le pouvoir d’encadrement social de l’Église.
Plus encore, la Révolution induit une inflexion des comportements religieux. L’érection des Consistoires protestants comme véritables partenaires des loges dans la mise en place des œuvres ou la désertion des clercs des ateliers sont les manifestations les plus visibles du détachement progressif des initiés du cordon catholique et de l’émergence de sensibilités nouvelles. Parmi celles-ci, on retiendra notamment le succès rencontré par la Théophilanthropie auprès des maçons initiés entre le Directoire et le Premier Empire et le progrès de la neutralisation religieuse de la sphère maçonnique. Lors des réceptions des néophytes, on n’hésite plus en effet à présenter les conceptions religieuses différentes des initiés. La chose était peu imaginable avant 1789.
Enfin, la période fait émerger un nouveau rapport au politique qui explique l’implication récurrente des loges dans le débat politique à partir de cette date. L’activité des rares ateliers qui survivent sous la Terreur, loin de montrer le bien-fondé de la continuité évolutive entre les loges maçonniques et les nouvelles sociétés politiques à laquelle croyait Cochin, illustre la manière dont les loges furent pénétrées par la culture révolutionnaire. De Toulouse 36et de Paris 37,où l’on observe, par le biais des discours et des règlements, les modifications profondes des pratiques dans les loges révolutionnées au Havre où des radicaux vont jusqu’à fonder une loge « parajacobine » dont la titulature 38montre l’entrée en force de la culture républicaine, on se trouve face à une situation nouvelle dans laquelle la loge est investie définitivement par le politique. Malgré un contexte difficile, dès que l’étau d’un pouvoir autoritaire se desserre (1810-1815) ou devient insupportable à des maçons acquis au libéralisme politique (1820-1830), la politisation des loges est un phénomène récurrent qui trouve son achèvement sous le Second Empire.
De ce tableau ressort ainsi valorisée, partant du complot mais à ses dépens, l’évidente perméabilité de la maçonnerie qui permit à la Révolution d’agir comme un agent transformateur très efficace. C’est sans doute là un paradoxe si nous nous en tenons aux canons longtemps proposés par l’historiographie passionnelle du complot franc-maçon dont l’affaiblissement permet toutefois de commencer à revisiter de nos jours une question qui, bien que souvent rebattue reste, in fine, assez mal connue, bien qu’elle soit tout à la fois assez aisément éclairable et, surtout, réellement éclairante… si l’on veut bien toutefois considérer la réversibilité de l’approche habituellement adoptée comme étant une attitude intellectuellement pertinente.
Pour conclure:
L’assassinat de Louis XVI décidé en 1784 - 1785 par la Franc-maçonnerie
Mesdames et Messieurs, quel a été, en 1789, en 1792 et en 1793, le rôle exact de la Franc-Maçonnerie dans la Révolution française ?
Les documents authentiques, émanant de la Maçonnerie elle-même, ne peuvent pas, on le comprend, ne pas être rares sur ce point. Une société secrète ne serait pas une société secrète, si elle ne prenait pas le plus grand soin de cacher tout ce qui peut renseigner sur elle, et les témoignages positifs, là où par principe on les supprime, ne peuvent nécessairement pas abonder.
Néanmoins, si le véritable témoignage nous fait souvent ainsi défaut, il n’en est pas de même de certains faits, singulièrement saisissants et qui en arrivent, rapprochés les uns des autres, à produire une lumière presque aussi probante que la lumière même des documents. Or ces faits-là sont innombrables, et la démonstration qui en résulte, c’est qu’il n’est peut-être pas une seule des grandes journées de la Révolution qui n’ait pas été, plus ou moins longtemps à l’avance, machinée et répétée dans les Loges, comme on répète et comme on machine une pièce dans un théâtre…
Suivez donc avec un peu d’attention les faits qui vont vous être exposés, et vous verrez, comme de vos yeux, tout un grand pays violemment transformé, par la plus évidente des conspirations, en une immense et véritable Loge. Vous le verrez jeté par force dans toute une succession d’épreuves maçonniques graduées, dont les premières dissimulaient soigneusement le secret final, mais dont la dernière, dès le début, avait toujours dû être le meurtre du Roi, pour aboutir au but suprême et caché, c’est-à-dire à la destruction de la nationalité elle-même !
Avant d’en arriver aux faits particuliers, nous constaterons d’abord un grand fait général, c’est que l’histoire de la Révolution a toujours joui, jusqu’ici, du privilège singulier d’être acceptée comme histoire, sans que personne, au fond, l’ait jamais expliquée. D’après les documents les moins niables, et contrairement à une légende audacieusement fabriquée, la nation française, comme masse populaire, en dehors d’une certaine noblesse, d’un certain clergé et d’une certaine bourgeoisie, était alors profondément catholique et royaliste.
Au moment même où on massacrait les prêtres, où l’on détruisait avec le plus de rage tout ce qui était de la Religion traditionnelle, on avait dû renoncer à interdire les processions dans Paris, où le peuple, comme l’établissent aujourd’hui les témoignages les plus précis, obligeait, en pleine Terreur, les patrouilles de sectionnaires à rendre dans la rue les honneurs au saint Sacrement. Quant au culte envers le prince, il se prouve par les manifestations mêmes dirigées contre sa personne.
Pendant deux ans, la Révolution se fait au cri de Vive le Roi ! Ensuite, la plupart même des hommes et des femmes d’émeute, soldés pour outrager le souverain, sont tout à coup ressaisis, en face de lui, de l’insurmontable amour de leur race, pour le descendant de ses monarques. Toute leur exaltation, en sa présence, tourne, comme en octobre 1789, en respect et en tendresse. Que voit-on, au retour de Varennes, pendant que la famille royale prend son repas ? On voit le député révolutionnaire Barnave se tenant respectueusement debout derrière le Roi, et le servant comme un valet de chambre ! Et ce sentiment catholique et royaliste, presque général à cette époque, se confirme, de façon certaine, par les chiffres mêmes des élections. Dès 1790, les ennemis de la Religion et de la Monarchie ne sont plus élus partout que par le dixième, puis par le quinzième, puis par le vingtième des électeurs. Taine constate, à Paris, aux assemblées primaires de 1791, un an déjà avant le 10 août, plus de soixante-quatorze mille abstenants sur quatre-vingt-un mille deux cents inscrits !
N’est-il pas rigoureusement vrai, en conséquence, que la Révolution, considérée comme mouvement national, ne peut pas s’expliquer ?
Elle devient à la mode, finit par faire fureur et le Grand Orient en arrive à créer ces fameuses Loges d’adoption où les femmes étaient admises. Les récipiendaires femmes, nous apprend M. d’Alméras, auteur d’une récente histoire de Gagliostro, et qui ne semble l’ennemi ni de Gagliostro, ni des Loges, sont des  » actrices, des danseuses, des bourgeoises ou des grandes dames sans préjugés « .
Alors, en résumé, la Franc-Maçonnerie, au moins en apparence, consiste surtout en bals, en banquets, en démonstrations de bienfaisance. En 1775, la duchesse de Bourbon recevait le litre de grande maîtresse de toutes les Loges d’adoption de France, le duc de Chartres l’installait lui-même dans ce pontificat féminin, au milieu de fêles magnifiques, et on faisait une quête, à la fin du banquet, en faveur  » des pères et mères retenus en prison pour n’avoir pas payé les mois de nourrice de leurs enfants « .
Telle est, pendant toute cette période, la façade de la Franc-Maçonnerie. Elle est à la fois somptueuse et amusante, avec la promesse d’un mystère, probablement inoffensif, et peut-être même agréable, à l’intérieur de la maison. Sous prétexte de philanthropie, on s’y divertit énormément. On s’y mêle entre gens de la bonne société et de la moins bonne, dans l’illusion d’une égalité sociale qui ne manque pas toujours de piment. On se donne la sensation d’une vie en double où l’on s’appelle de noms de guerre, en échangeant des mots de passe. On se procure le petit frisson d’attendre quelque chose de secret qui sera peut-être défendu. On joue en grand, en un mot, à ces jeux innocents qui ne le sont pas toujours, et un prodigieux enjouement jette toute la société dans ce jeu-là. Les plus honnêtes gens s’en mettent, et Marie-Antoinette écrit, à cette époque, à Mme de Lamballe :« J’ai lu avec grand intérêt ce qui s’est fait dans les loges franc-maçonniques que vous avez présidées, et dont vous m’avez tant amusée. Je vois qu’on n’y fait pas que de jolies chansons, et qu’on y fait aussi du bien. »
N’existait-il donc, cependant, aucun motif de se méfier ? Si, et certains Etats, dès le milieu du dix-huitième siècle, chassaient assez rudement ces francs-maçons qui s’attachaient en France, avec une si extraordinaire activité, à amuser les Français, à les faire danser, à chatouiller leur frivolité. Le pape Clément XII, en outre, avait lancé contre eux une bulle assez suggestive, dans laquelle il les comparait  » aux voleurs qui percent la maison « . On pouvait donc, dès ce moment-là, ne pas déjà voir dans les Loges de simples lieux d’amusements.
« Depuis plus de vingt ans, raconte-t-il, il était difficile de ne pas rencontrer en France quelques-uns de ces hommes admis dans la Société maçonnique. Il s’en trouvait dans mes connaissances, et parmi ceux-là plusieurs dont l’estime et l’amitié m’étaient chères. » A. B.
Plus de vingt ans après, en 1789, entre les atrocités de la prise de la Bastille et celles des massacres d’octobre, un M. Leroy, lieutenant des chasses royales, s’écriait avec des sanglots, dans un dîner qui avait lieu chez M. d’Angevilliers, intendant des Bâtiments du Roi :
« J’étais le secrétaire du Comité à qui vous devez cette Révolution et j’en mourrai de douleur et de remords !… Ce Comité se tenait chez le baron d’Holbach… Nos principaux membres étaient d’Alembert, Turgot, Condorcet, Diderot, La Harpe, et ce Lamoignon qui s’est tué dans son parc !… La plupart de ces livres que vous avez vus paraître depuis longtemps contre la religion, les mœurs et le gouvernement étaient notre ouvrage, et nous les envoyions à des colporteurs qui les recevaient pour rien, ou presque rien, et les vendaient aux plus bas prix… Voilà ce qui a changé ce peuple, et la conduit au point où vous le voyez aujourd’hui… Oui, j’en mourrai de douleur et de remords… «
Ces cris de remords de M. Leroy au dîner de M. d’AngevilUers, pourraient-ils être contestés ? Non !
« Pourquoi les adorateurs de la raison, écrivait-il alors à Helvetius, restent-ils dans le silence et dans la crainte ? Qui les a empêcherait d’avoir chez eux une petite imprimerie et de donner des ouvrages utiles et courts dont leurs amis seraient les seuls dépositaires ? C’est ainsi qu’en ont usé ceux a OUI ONT IMPRIMÉ LES DERNIÈRES VOLONTÉS DE CE BON ET HONNÊTE CURE MESLIER…  Et il ajoute : « On oppose ainsi, au Pédagogue chrétien et au Pensez-y bien, de petits livres philosophiques qu’on a soin de répandre partout adroitement. On ne les vend point, ON les donne a des personnes AFFIDÉES QUI  LES DISTRIBUENT A DES JEUNES GENS ET A DES  FEMMES… »
En réalité, la conjuration philosophique n’avait que très peu perverti le peuple, et par une excellente raison, c’est que le peuple ne savait pas lire. Elle avait surtout empoisonné les hautes classes. Mais cette philosophie qui est une conjuration, et qui machine, dans le mystère, avec des masques et des trahisons, l’application de ses préceptes, n’est-elle pas, pour une époque, toute une caractéristique ?
Il y eu en 1781 un grand congrès de la Franc-Maçonnerie universelle, où les délégations arrivaient en masse, de France, de Belgique, de Suède, d’Italie, d’Angleterre, d’Espagne, d’Amérique, de tous les points du globe ! Est-il exact, comme on l’a dit, qu’on ait arrêté, dix ans d’avance, dans cette tenue de Wilhemsbad, la mise à mort de Louis XVI et presque toute la Terreur ? On peut affirmer, dans tous les cas, que, trois ans plus tard, la mort du roi de Suède et celle de Louis XVI étaient décidées dans une tenue de Francfort, en 1785, comme l’atteste une lettre du cardinal Mathieu, archevêque de Besançon.
Il y a dans mon pays, écrit le cardinal Mathieu à la datedu 7 avril 1875, un détail que je puis vous donner comme certain. Il y eut à Francfort, en 1785, une assemblée de Franc-Maçons ou furent convoqués deux hommes considérables de Besançon, qui faisaient partie de la Société, M. de Reymond, inspecteur des postes, et M. Maire de Bouligney, président du Parlement. Dans Cette réunion le meurtre du roi de Suède et celui de Louis XVI furent résolus. MM. de Reymond et de Bouligney revinrent consternés, en se promettant de ne jamais remettre les pieds dans une Loge, et de se garder le secret. Le dernier survivant a dit à M. Bourgon… Vous avez pu en entendre parler ici, car il a laissé une grande réputation de probité, de droiture et de fermeté parmi nous. Je l’ai beaucoup connu, et pendant bien longtemps, car je suis à Besançon depuis quarante-deux ans. Ce qu’on sait aussi, et avec certitude, c’est que la réunion de Wilhemsbad, en 1782, avait un épilogue dans le genre des révélations désespérées du malheureux M. Leroy.
Le comte de Virieu qui avait fait partie de la délégation française, revenait terrifié du Congrès, déclarait quitter la secte, et disait au baron de Gilliers :
« Je ne vous révélerai pas ce qui s’ est passé ; ce que je puis seulement vous dire, c’est que tout ceci est autrement sérieux que vous ne pensez. La conspiration qui se trame est si bien ourdie qu’il sera pour ainsi dire impossible à la Monarchie et à l’Eglise d’y échapper. » Et le comte de Yirieu n’était pas le seul terrifié par ces assises et qui se retirait alors de la Maçonnerie avec épouvante.
[ In Dorrows Danksehriften v. IV, pp. 211 à 221. Cité par Pouget de Saint-André (note 34) pp. 287-290, qui écrit : « Plusieurs historiens affirment que la Révolution française et la mort de Louis XVI avaient été décidées aux convents maçonniques d’Ingolstadt (1784) et de Francfort (1785). L’opinion de Barruel sur ce point est confirmée par Cadet de Gassincourt, ancien F.M. Plusieurs membres de la secte ont fait à cet égard des déclarations formelles, entre autres MM. de Raymond, de Bouligny et Jean Debry… Un autre argument est l’aveu que le Père Abel a recueilli de la bouche de son aïeul : celui-ci a déclaré regretter son vote régicide au Convent qui a décidé la mort de Louis XVI… Quant au Rapport de Haugwitz, http://goo.gl/kN7mC il n’a pas encore été réfuté, croyons-nous. Et là il s’agit d’une pièce officielle émanant d’un ancien franc-maçon, confident du roi de Prusse et affirmant la condamnation de Louis XVI en 1784… Chargé par le roi de de Prusse d’un rapport sur les sociétés secrètes, il écrit : « La Révolution française et le régicide, ont été résolus par la Franc-maçonnerie » Bertrand Acquin]
Tout savoir sur la Franc-maçonnerie: http://www.jlturbet.net/article-18777062.html

https://youtu.be/Fup9_uqviQ8

https://youtu.be/IYgDvkrife8

Date de dernière mise à jour : 20/05/2018

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